Cookies CBD : impact du Brexit sur la validité des marques enregistrées

Le Brexit a généré des bouleversements majeurs dans le paysage juridique européen, particulièrement dans le domaine de la propriété intellectuelle. Pour les fabricants de cookies CBD, produits en pleine expansion sur le marché européen, la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne soulève des questions complexes concernant la protection de leurs marques. Entre divergence réglementaire, nouveaux enregistrements nécessaires et stratégies d’adaptation, les entreprises du secteur font face à un défi de taille. Cette nouvelle réalité juridique impose une reconsidération complète des stratégies de protection des marques dans un contexte où le statut légal du CBD varie considérablement entre les juridictions britannique et européenne.

Cadre juridique des marques avant et après le Brexit

Avant le Brexit, les entreprises produisant des cookies CBD bénéficiaient d’un système harmonisé de protection des marques à l’échelle européenne. Le règlement sur la marque de l’Union européenne permettait d’obtenir une protection unique valable dans tous les États membres, y compris le Royaume-Uni. Cette procédure centralisée offrait une efficacité administrative et une sécurité juridique considérables pour les titulaires de marques.

Depuis le 1er janvier 2021, date marquant la fin de la période de transition du Brexit, ce cadre juridique unifié a volé en éclats. Les marques de l’Union européenne (MUE) ne couvrent plus automatiquement le territoire britannique. Pour pallier cette rupture, le UK Intellectual Property Office (UKIPO) a mis en place un système de conversion automatique des droits existants. Ainsi, les titulaires de MUE enregistrées avant la fin de la période de transition se sont vu attribuer une marque comparable au Royaume-Uni sans démarche ni frais supplémentaires.

Toutefois, cette conversion soulève des questions spécifiques pour les produits contenant du cannabidiol (CBD). En effet, la validité d’une marque dépend en partie de la licéité des produits qu’elle désigne. Or, la réglementation relative au CBD connaît des évolutions distinctes dans l’UE et au Royaume-Uni depuis le Brexit, créant potentiellement des situations où une marque pourrait être valide d’un côté de la Manche et contestable de l’autre.

Pour les nouvelles marques déposées après le Brexit, la donne change radicalement. Les entreprises du secteur des cookies CBD doivent désormais engager deux procédures distinctes : une demande auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) pour couvrir les 27 États membres, et une demande séparée auprès de l’UKIPO pour le Royaume-Uni. Cette duplication des démarches entraîne une augmentation des coûts administratifs et de gestion pour les entreprises.

La Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle prend une importance renouvelée dans ce contexte. Elle permet de revendiquer la priorité d’un dépôt initial pendant un délai de six mois, offrant ainsi une flexibilité stratégique aux entreprises qui peuvent choisir de déposer d’abord dans une juridiction puis d’étendre leur protection à l’autre tout en conservant la date du premier dépôt.

Les accords de coexistence entre titulaires de marques similaires, pratique courante dans le secteur, doivent être réexaminés à la lumière du Brexit. Un accord couvrant l’ensemble de l’UE ne s’étend plus automatiquement au Royaume-Uni, nécessitant potentiellement une renégociation des termes pour maintenir l’équilibre des droits entre parties.

Statut légal des produits CBD au Royaume-Uni post-Brexit

Le cadre réglementaire concernant le CBD au Royaume-Uni a connu des évolutions significatives depuis le Brexit, influençant directement la validité potentielle des marques dans ce secteur. Le Home Office britannique distingue désormais clairement le CBD des substances contrôlées, à condition que les produits ne contiennent pas plus de 0,2% de tétrahydrocannabinol (THC). Cette approche diverge subtilement de celle adoptée par l’Union européenne, créant un premier niveau de complexité pour les fabricants de cookies CBD.

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En janvier 2023, l’Agence de réglementation des médicaments et des produits de santé (MHRA) britannique a publié des lignes directrices actualisées concernant les produits CBD. Ces directives précisent que les produits CBD ne faisant pas l’objet d’allégations médicales peuvent être commercialisés comme produits de consommation courante, sous réserve du respect des normes de sécurité alimentaire. Pour les fabricants de cookies CBD, cela représente une opportunité commerciale significative sur le marché britannique.

Un développement majeur est survenu avec l’introduction du statut de Novel Food pour les produits CBD au Royaume-Uni. La Food Standards Agency (FSA) britannique exige désormais que tous les produits CBD consommables, y compris les cookies, fassent l’objet d’une autorisation préalable à la commercialisation. Cette exigence s’applique depuis le 31 mars 2021, date à laquelle les entreprises devaient avoir soumis leur demande d’autorisation pour pouvoir maintenir leurs produits sur le marché britannique.

Implications pour les marques de cookies CBD

Cette évolution réglementaire a des conséquences directes sur la validité des marques. En droit des marques britannique, comme dans la plupart des juridictions, une marque peut être refusée ou invalidée si elle désigne des produits contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs. La section 3(3)(a) du Trade Marks Act 1994 précise ce principe fondamental.

Pour les cookies CBD, la situation présente une subtilité juridique notable : si le produit respecte la réglementation britannique en matière de CBD (notamment le seuil de THC et les exigences relatives aux Novel Foods), la marque peut être valablement enregistrée et maintenue. En revanche, une marque désignant des cookies CBD non conformes à ces exigences pourrait être contestée sur la base de son illicéité.

Le cas Cannavape illustre cette problématique. En 2022, une marque britannique pour des produits CBD a fait l’objet d’une procédure d’opposition partiellement fondée sur l’argument que les produits ne respectaient pas la réglementation en vigueur. L’UKIPO a confirmé que la conformité réglementaire des produits était un facteur déterminant dans l’évaluation de la validité de la marque.

La divergence progressive entre les cadres réglementaires britannique et européen concernant le CBD crée une situation où une marque pourrait être valide au Royaume-Uni mais contestable dans l’UE, ou vice-versa. Cette réalité impose aux entreprises du secteur une vigilance accrue et une stratégie de propriété intellectuelle différenciée selon les territoires.

Divergences réglementaires UE-UK et conséquences sur l’enregistrement des marques

Les divergences réglementaires entre l’UE et le Royaume-Uni concernant le CBD s’accentuent progressivement, créant un environnement juridique complexe pour l’enregistrement et le maintien des marques. Au sein de l’Union européenne, la Cour de Justice a rendu en novembre 2020 l’arrêt Kanavape qui établit qu’un État membre ne peut interdire la commercialisation du CBD légalement produit dans un autre État membre. Toutefois, la réglementation reste fragmentée, avec des approches nationales variées concernant les produits CBD.

Le règlement Novel Food européen considère le CBD comme un nouvel aliment nécessitant une autorisation préalable de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Cependant, en janvier 2023, l’EFSA a exprimé des préoccupations concernant les données disponibles sur la sécurité du CBD, ralentissant le processus d’approbation. Cette situation crée une incertitude juridique qui peut affecter la validité des marques désignant des cookies CBD.

Au Royaume-Uni, l’approche post-Brexit se distingue par une voie réglementaire plus définie. La FSA britannique a établi une liste de produits CBD en cours d’évaluation qui peuvent rester sur le marché pendant le processus d’examen. Cette approche pragmatique offre une sécurité juridique relative aux fabricants de cookies CBD opérant sur le marché britannique.

Impact sur les critères d’enregistrement des marques

Ces divergences réglementaires influencent directement les critères d’examen des marques. L’EUIPO et l’UKIPO appliquent des standards potentiellement différents concernant le caractère licite des produits désignés.

Dans l’UE, l’article 7(1)(f) du Règlement sur la marque de l’Union européenne prévoit le refus des marques contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs. Les examinateurs de l’EUIPO peuvent interpréter cette disposition à la lumière des incertitudes réglementaires entourant le CBD. Une décision récente de la chambre de recours de l’EUIPO (R 0318/2020-4) a confirmé qu’une marque désignant des produits CBD pouvait être acceptée si ces produits respectaient la réglementation applicable.

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Au Royaume-Uni, la jurisprudence récente montre une approche plus souple. Dans l’affaire Bloom Signature Ltd (O/995/22), l’UKIPO a confirmé qu’une marque pour des produits CBD pouvait être enregistrée dès lors que les produits respectaient le cadre réglementaire britannique, indépendamment des restrictions pouvant exister dans d’autres juridictions.

Cette divergence d’approche crée une situation où les stratégies de protection doivent être adaptées à chaque territoire. Une marque pourrait être refusée dans l’UE mais acceptée au Royaume-Uni, ou vice versa, obligeant les entreprises à développer des portefeuilles de marques distincts et des libellés de produits spécifiquement adaptés à chaque juridiction.

Les spécifications de produits dans les demandes d’enregistrement deviennent un enjeu stratégique majeur. Une rédaction trop générique comme « cookies contenant du CBD » pourrait susciter des objections, tandis qu’une formulation plus précise spécifiant la conformité réglementaire (« cookies contenant du CBD conforme aux exigences réglementaires en vigueur ») pourrait faciliter l’acceptation.

Pour les entreprises opérant dans les deux juridictions, cette situation impose une vigilance accrue et une adaptation constante aux évolutions réglementaires. La coordination entre les conseillers en propriété intellectuelle britanniques et européens devient indispensable pour développer une stratégie cohérente et efficace.

Stratégies adaptatives pour les titulaires de marques de cookies CBD

Face aux complexités juridiques engendrées par le Brexit dans le secteur des cookies CBD, les entreprises doivent adopter des stratégies adaptatives pour protéger efficacement leurs marques. La première approche consiste à réaliser un audit complet du portefeuille de marques existant. Cet examen minutieux permet d’identifier les marques converties automatiquement en marques britanniques comparables et celles nécessitant de nouvelles démarches d’enregistrement.

Pour les nouvelles marques, une stratégie de dépôt séquentiel s’avère souvent judicieuse. En déposant d’abord dans la juridiction présentant les critères d’examen les plus stricts, puis en étendant la protection à l’autre territoire en revendiquant la priorité dans le délai de six mois prévu par la Convention de Paris, les entreprises maximisent leurs chances d’obtenir une protection cohérente.

La rédaction des spécifications de produits requiert une attention particulière. Une approche modulaire peut être adoptée :

  • Pour les dépôts au Royaume-Uni : « cookies contenant du cannabidiol (CBD) conformes à la réglementation britannique en vigueur »
  • Pour les dépôts dans l’UE : « cookies contenant du cannabidiol (CBD) conformes à la réglementation européenne en vigueur »

Cette formulation spécifique réduit les risques de refus basés sur l’illicéité potentielle des produits et facilite l’adaptation aux évolutions réglementaires futures.

Protection renforcée par des droits complémentaires

Au-delà des marques traditionnelles, les entreprises du secteur peuvent renforcer leur protection en développant une stratégie multi-couches incluant :

Les marques de forme protégeant l’apparence distinctive des cookies CBD peuvent constituer un atout stratégique, particulièrement dans un secteur où le design du produit joue un rôle marketing significatif. Toutefois, les critères d’enregistrement de ces marques sont exigeants, nécessitant de démontrer que la forme n’est pas exclusivement dictée par la fonction technique ou la nature du produit.

Les dessins et modèles offrent une protection complémentaire pour l’apparence visuelle des produits et de leurs emballages. Le Royaume-Uni a mis en place un système de dessins et modèles enregistrés comparable à celui de l’UE, mais désormais indépendant. Pour une protection optimale, des enregistrements distincts dans les deux juridictions sont nécessaires.

La protection par le droit d’auteur, qui subsiste malgré le Brexit grâce à la Convention de Berne, peut couvrir les éléments artistiques originaux présents sur les emballages ou dans les campagnes promotionnelles des cookies CBD. Cette protection automatique et de longue durée constitue un filet de sécurité précieux.

Surveillance et défense proactive des droits

La divergence des systèmes juridiques impose une vigilance accrue dans la défense des droits. La mise en place d’un système de surveillance couvrant les deux juridictions permet de détecter rapidement les dépôts potentiellement conflictuels et d’engager des procédures d’opposition le cas échéant.

Ces procédures suivent désormais des calendriers et des règles distinctes :

Au Royaume-Uni, l’opposition doit être formée dans les deux mois suivant la publication de la demande de marque, avec une extension possible d’un mois. Les frais d’opposition sont généralement inférieurs à ceux pratiqués par l’EUIPO, mais la procédure tend à être plus formelle.

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Dans l’Union européenne, le délai d’opposition est de trois mois non extensible. La procédure permet des observations écrites plus détaillées et offre davantage de flexibilité dans l’argumentation.

Les entreprises du secteur des cookies CBD doivent adapter leur stratégie contentieuse à ces différences procédurales, en concentrant leurs ressources sur les marchés prioritaires et en évaluant systématiquement le rapport coût-bénéfice des actions envisagées.

La négociation d’accords de coexistence transfrontaliers représente un défi renouvelé depuis le Brexit. Ces accords doivent désormais explicitement mentionner les deux territoires et prévoir des mécanismes d’adaptation aux évolutions réglementaires divergentes concernant le CBD.

Perspectives d’avenir et harmonisation possible des cadres juridiques

L’évolution future des cadres juridiques régissant les marques de cookies CBD au Royaume-Uni et dans l’UE suscite de nombreuses interrogations. Plusieurs tendances émergentes permettent d’anticiper les développements potentiels dans ce domaine en constante mutation.

La reconnaissance mutuelle des droits de propriété intellectuelle pourrait constituer une avancée significative. Bien que le Trade and Cooperation Agreement (TCA) signé entre l’UE et le Royaume-Uni en décembre 2020 établisse des principes généraux de protection de la propriété intellectuelle, il ne prévoit pas de mécanisme spécifique de reconnaissance mutuelle des marques. Des négociations sectorielles pourraient toutefois émerger pour faciliter la protection transfrontalière des droits, particulièrement dans des domaines innovants comme celui des produits CBD.

Le développement de jurisprudences parallèles concernant la validité des marques liées au CBD mérite une attention particulière. Les tribunaux britanniques, désormais libérés de l’obligation de suivre la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne, pourraient développer une approche distincte. L’affaire Sky v SkyKick, l’une des premières grandes décisions post-Brexit en matière de marques, illustre déjà cette divergence potentielle, avec la Cour suprême britannique adoptant une interprétation différente de celle de la CJUE sur certains aspects du droit des marques.

Dans le domaine spécifique du CBD, les approches réglementaires pourraient connaître une convergence pragmatique. Les deux juridictions font face à des défis similaires concernant l’évaluation scientifique de la sécurité du CBD et la définition d’un cadre réglementaire équilibré. Cette convergence factuelle pourrait faciliter l’harmonisation des pratiques en matière d’enregistrement de marques, malgré l’absence de cadre juridique commun.

Évolution technologique et nouveaux défis

L’émergence de marketplaces numériques transfrontalières pose des défis inédits pour l’application des droits de marque dans un contexte post-Brexit. Les plateformes de commerce électronique doivent désormais naviguer entre deux régimes juridiques distincts, compliquant la mise en œuvre des procédures de notification et retrait (« notice and takedown ») pour les produits contrefaisants.

Pour les fabricants de cookies CBD, cette complexité accrue impose le développement de stratégies d’application des droits spécifiques à chaque territoire. Les programmes de protection des marques proposés par les grandes plateformes comme Amazon ou eBay doivent être activés séparément pour les versions britanniques et européennes des sites.

La blockchain et les technologies de traçabilité émergent comme des solutions potentielles pour garantir l’authenticité des produits CBD et renforcer la protection des marques associées. Ces technologies permettent de suivre l’origine des ingrédients, la conformité réglementaire et l’authenticité des produits à travers les frontières, créant une couche de protection supplémentaire au-delà des droits de propriété intellectuelle traditionnels.

Adaptation stratégique des entreprises

Face à cette complexité juridique croissante, les entreprises du secteur adoptent différentes approches stratégiques :

  • La différenciation des gammes selon les marchés, avec des produits spécifiquement formulés pour répondre aux exigences réglementaires de chaque juridiction
  • Le développement de marques territoriales distinctes, permettant une adaptation fine aux particularités de chaque marché
  • L’investissement dans des programmes de conformité robustes, garantissant l’adaptation continue aux évolutions réglementaires

Les partenariats stratégiques entre entreprises britanniques et européennes émergent comme une solution pragmatique pour naviguer dans ce paysage juridique fragmenté. Ces alliances permettent de mutualiser les ressources, de partager l’expertise réglementaire et de maintenir une présence commerciale forte sur les deux marchés malgré les barrières juridiques croissantes.

L’adaptation aux réalités post-Brexit dans le secteur des cookies CBD illustre la résilience et la capacité d’innovation des entreprises face aux défis réglementaires. Loin de constituer uniquement un obstacle, cette nouvelle configuration juridique peut représenter une opportunité de différenciation et d’innovation pour les acteurs les plus agiles.

À terme, l’évolution parallèle des cadres réglementaires britannique et européen concernant le CBD pourrait conduire à l’émergence de normes industrielles transversales, facilitant la protection et la valorisation des marques dans ce secteur en pleine expansion, malgré la fragmentation juridique engendrée par le Brexit.