Les pergolas face au droit de jouissance : analyse jurisprudentielle des contentieux de voisinage

L’installation d’une pergola, structure d’agrément de plus en plus prisée par les propriétaires français, soulève régulièrement des questions juridiques complexes touchant au droit de jouissance. Entre liberté d’aménagement et respect des droits des voisins, la jurisprudence a progressivement dessiné les contours d’un équilibre subtil. Les tribunaux sont fréquemment saisis pour trancher des litiges où l’esthétique, l’ensoleillement, les vues et l’intimité s’entrechoquent. Cette analyse approfondie examine comment les juges qualifient et sanctionnent les atteintes au droit de jouissance causées par ces aménagements extérieurs, offrant aux particuliers comme aux professionnels du droit les clés pour anticiper ou résoudre ces conflits de voisinage.

Fondements juridiques du droit de jouissance et son articulation avec les pergolas

Le droit de jouissance constitue une prérogative fondamentale attachée à la propriété immobilière. Codifié à l’article 544 du Code civil, ce droit permet au propriétaire de jouir et disposer de son bien « de la manière la plus absolue ». Toutefois, cette liberté s’arrête là où commence celle d’autrui, comme le rappelle ce même article en précisant que cette jouissance s’exerce « pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ».

Dans le contexte spécifique des pergolas, cette limitation prend tout son sens. Ces structures extérieures, qu’elles soient adossées à une façade ou indépendantes, visent à créer un espace de vie supplémentaire tout en offrant ombre et protection. Leur installation peut néanmoins affecter la jouissance des propriétés voisines de diverses manières.

Cadre légal applicable aux pergolas

La réglementation des pergolas s’inscrit dans un maillage juridique complexe combinant droit de l’urbanisme, règles de copropriété et servitudes. Selon leurs caractéristiques techniques, ces constructions peuvent être soumises à différents régimes d’autorisation :

  • Simple déclaration préalable pour les pergolas créant une emprise au sol ou une surface de plancher entre 5 et 20 m²
  • Permis de construire au-delà de 20 m² (ou 40 m² en zone urbaine sous certaines conditions)
  • Exonération de formalité pour les structures de moins de 5 m²

La Cour de cassation, dans un arrêt du 24 mars 2015 (n°14-11.472), a confirmé qu’une pergola fermée sur trois côtés constituait bien une construction soumise aux règles d’urbanisme, invalidant l’argument du caractère démontable avancé par le propriétaire.

Au-delà de ces aspects administratifs, la jurisprudence a progressivement défini les conditions dans lesquelles une pergola peut constituer une atteinte illicite au droit de jouissance des voisins. La théorie des troubles anormaux de voisinage, d’origine prétorienne, joue ici un rôle déterminant. Formulée par la Cour de cassation comme le principe selon lequel « nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage », elle fonde de nombreuses décisions relatives aux pergolas litigieuses.

L’application de cette théorie ne requiert pas la démonstration d’une faute, mais simplement celle d’un préjudice dépassant ce que l’on peut raisonnablement accepter entre voisins. La Cour d’appel de Montpellier, dans un arrêt du 17 septembre 2019, a ainsi ordonné la modification d’une pergola causant une perte d’ensoleillement significative sans qu’une violation des règles d’urbanisme n’ait été établie.

Ces principes juridiques s’articulent avec le droit de la copropriété lorsque la pergola est installée dans un immeuble en copropriété. Dans ce cas, l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965 s’applique, accordant à chaque copropriétaire le droit de jouir librement des parties privatives, sous réserve de ne pas porter atteinte aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble.

Typologie des atteintes au droit de jouissance causées par les pergolas

L’analyse de la jurisprudence permet d’identifier plusieurs catégories d’atteintes au droit de jouissance susceptibles d’être causées par l’installation d’une pergola. Ces atteintes, lorsqu’elles dépassent le seuil de tolérance admis entre voisins, peuvent justifier une action en justice.

Les atteintes à l’ensoleillement et à la luminosité

La privation de lumière naturelle constitue l’un des griefs les plus fréquemment invoqués à l’encontre des pergolas. La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 12 janvier 2018, a reconnu qu’une pergola couverte réduisant de 40% l’ensoleillement du jardin voisin pendant les mois d’hiver constituait un trouble anormal de voisinage, ordonnant sa démolition partielle.

Les juges évaluent généralement la réalité et l’intensité de cette atteinte en s’appuyant sur des expertises techniques mesurant la perte d’ensoleillement avant et après l’installation de la structure. La jurisprudence prend en compte plusieurs facteurs :

  • La durée quotidienne de la perte d’ensoleillement
  • Sa variation saisonnière (particulièrement préjudiciable en hiver)
  • L’orientation des propriétés concernées
  • La configuration urbaine environnante

La Cour de cassation, dans un arrêt du 3 mai 2018 (n°17-16.693), a confirmé que la perte de luminosité devait s’apprécier in concreto, en tenant compte de la situation antérieure à l’installation litigieuse et non par rapport à une situation idéale d’ensoleillement maximal.

Les atteintes aux vues et à l’intimité

Une pergola surélevée ou positionnée stratégiquement peut créer des vues directes sur la propriété voisine, portant atteinte à l’intimité de ses occupants. La jurisprudence applique ici les règles relatives aux servitudes de vues prévues aux articles 678 et suivants du Code civil, imposant des distances minimales pour l’ouverture de vues droites ou obliques.

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Dans un arrêt du 7 juin 2017, la Cour d’appel de Lyon a ordonné la pose d’un dispositif occultant sur une pergola permettant des vues plongeantes sur la piscine des voisins à moins de 1,90 mètre de la limite séparative. Les juges ont considéré que cette situation constituait une atteinte manifeste à l’intimité, même en l’absence de violation formelle des distances légales.

À l’inverse, la pergola peut elle-même être source de protection contre les regards extérieurs. Dans ce cas, c’est parfois son démontage qui est exigé par un voisin se plaignant d’une perte de vue. La Cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans un arrêt du 14 septembre 2020, a rejeté une telle demande en considérant que la vue dont bénéficiait le plaignant avant l’installation de la pergola ne constituait pas un droit acquis.

Les atteintes esthétiques et à la valeur patrimoniale

L’impact visuel d’une pergola imposante ou jugée inesthétique peut être considéré comme une atteinte au droit de jouissance. Cette dimension subjective est néanmoins prise en compte par les tribunaux, particulièrement lorsque l’harmonie architecturale d’un ensemble immobilier est compromise.

La Cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 25 novembre 2019, a ainsi ordonné la modification d’une pergola dont les dimensions et les matériaux contrastaient fortement avec l’esthétique générale d’un lotissement résidentiel haut de gamme, entraînant une dépréciation estimée à 5% de la valeur des biens voisins.

Cette jurisprudence s’appuie généralement sur l’expertise d’agents immobiliers ou d’architectes pour objectiver autant que possible l’impact esthétique et financier de l’installation litigieuse. Les juges tiennent compte de la visibilité de la pergola depuis l’espace public et les propriétés voisines, ainsi que de son intégration dans le paysage existant.

Analyse jurisprudentielle des critères d’appréciation du trouble anormal

La qualification d’un trouble comme « anormal » constitue le point central de nombreux litiges relatifs aux pergolas. Les tribunaux ont progressivement affiné les critères permettant d’évaluer ce caractère anormal, créant un corpus jurisprudentiel riche d’enseignements.

Le critère de l’antériorité et la préexistence des lieux

La théorie de la préoccupation, parfois invoquée dans les contentieux liés aux pergolas, repose sur l’adage « venire contra factum proprium » (nul ne peut se contredire au détriment d’autrui). Selon cette théorie, celui qui s’installe en connaissance de cause à proximité d’une source de nuisances préexistante ne pourrait ensuite s’en plaindre.

La Cour de cassation a toutefois largement restreint la portée de cette théorie en matière de troubles de voisinage. Dans un arrêt de principe du 27 novembre 2013 (n°12-27.430), elle a affirmé que « le respect des dispositions urbanistiques ne fait pas obstacle à ce que la responsabilité de l’auteur de nuisances excédant les inconvénients normaux du voisinage soit engagée ».

Appliquée aux pergolas, cette jurisprudence signifie qu’un propriétaire ne peut se prévaloir de l’antériorité de son installation pour échapper à sa responsabilité si celle-ci cause un trouble anormal. Ainsi, la Cour d’appel de Bordeaux, dans un arrêt du 19 octobre 2018, a ordonné la modification d’une pergola installée depuis huit ans, considérant que la prescription acquisitive ne s’appliquait pas aux troubles anormaux de voisinage.

À l’inverse, l’antériorité peut jouer en faveur du voisin lésé. La Cour d’appel de Grenoble, dans un arrêt du 3 avril 2019, a considéré que la perte d’ensoleillement causée par une nouvelle pergola était d’autant plus préjudiciable que le jardin concerné bénéficiait auparavant d’un ensoleillement optimal, constituant une qualité essentielle du bien.

L’intensité et la durée du trouble

L’évaluation du caractère anormal d’un trouble causé par une pergola repose largement sur l’appréciation de son intensité et de sa permanence. Les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain pour cette qualification, sous le contrôle de la Cour de cassation qui veille à la cohérence juridique de leur raisonnement.

Dans un arrêt du 8 février 2018 (n°16-24.862), la Haute juridiction a validé le raisonnement d’une cour d’appel qui avait refusé de qualifier d’anormal le trouble causé par une pergola réduisant l’ensoleillement d’une terrasse voisine d’environ 25% durant trois heures par jour en été uniquement. Les juges avaient relevé le caractère limité dans le temps et l’intensité modérée de cette gêne.

À l’opposé, la Cour d’appel de Nîmes, dans un arrêt du 12 septembre 2020, a qualifié d’anormal le trouble causé par une pergola bioclimatique à lames orientables qui, selon l’expertise judiciaire, privait le voisin de 70% de son ensoleillement durant six mois de l’année. La cour a particulièrement insisté sur l’impact psychologique de cette privation prolongée de lumière naturelle.

Cette appréciation tient compte de facteurs objectifs comme la réduction mesurable de l’ensoleillement, mais intègre également des éléments subjectifs tels que la configuration des lieux, les usages locaux ou encore la sensibilité particulière de certains espaces comme les jardins d’agrément ou les pièces principales d’habitation.

La conformité aux règles d’urbanisme et son incidence

La conformité d’une pergola aux règles d’urbanisme ne constitue pas un bouclier absolu contre les actions fondées sur la théorie des troubles anormaux de voisinage. Cette position, affirmée par la Cour de cassation dans plusieurs arrêts, dont celui du 21 mai 2014 (n°13-14.891), établit une distinction nette entre légalité administrative et responsabilité civile.

Néanmoins, cette conformité n’est pas sans incidence sur l’appréciation du caractère anormal du trouble. La Cour d’appel de Rennes, dans un arrêt du 15 janvier 2019, a ainsi considéré que le respect scrupuleux des règles d’implantation prévues par le Plan Local d’Urbanisme constituait un élément à prendre en compte pour apprécier la normalité d’une gêne visuelle causée par une pergola.

Inversement, la violation des règles d’urbanisme facilite généralement la reconnaissance du caractère anormal du trouble. La Cour d’appel de Toulouse, dans un arrêt du 27 novembre 2018, a qualifié d’anormal le trouble causé par une pergola édifiée sans autorisation et dépassant la hauteur maximale autorisée, ordonnant sa mise en conformité sous astreinte.

Cette jurisprudence s’inscrit dans une tendance plus large visant à coordonner, sans les confondre, les différentes branches du droit applicables aux constructions. Elle incite les propriétaires à s’assurer non seulement de la légalité administrative de leur projet, mais aussi de son impact potentiel sur le voisinage.

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Sanctions judiciaires et réparations des atteintes au droit de jouissance

Face à une atteinte au droit de jouissance causée par une pergola, les tribunaux disposent d’un éventail de sanctions adaptables à la gravité du trouble constaté. L’analyse de la jurisprudence révèle une gradation des mesures ordonnées, de la simple indemnisation à la démolition complète.

Les mesures de cessation du trouble

Lorsque l’atteinte au droit de jouissance est caractérisée, les juges privilégient généralement les mesures visant à faire cesser le trouble à sa source. La Cour de cassation, dans un arrêt du 11 juillet 2019 (n°18-17.856), a rappelé que « la réparation du trouble anormal de voisinage doit en principe s’effectuer en nature ».

Selon la configuration et la nature du trouble, différentes mesures peuvent être ordonnées :

  • La démolition totale de la pergola (mesure la plus radicale, réservée aux cas les plus graves)
  • La démolition partielle ou la modification des dimensions
  • L’installation de dispositifs correctifs (stores, claustra, végétation)
  • La limitation des usages (heures d’utilisation, activités autorisées)

La Cour d’appel de Douai, dans un arrêt du 4 juin 2020, a ainsi ordonné non pas la démolition d’une pergola causant une perte d’ensoleillement, mais sa transformation en structure à lames orientables permettant le passage de la lumière durant certaines périodes de la journée. Cette solution illustre la recherche par les juges d’un équilibre entre les intérêts contradictoires.

Ces mesures s’accompagnent fréquemment d’une astreinte, mécanisme de pression financière visant à garantir l’exécution rapide de la décision. Dans un arrêt du 9 octobre 2018, la Cour d’appel de Nancy a ainsi assorti son injonction de modifier une pergola d’une astreinte de 100 euros par jour de retard au-delà d’un délai de trois mois.

L’indemnisation pécuniaire du préjudice

Lorsque la suppression du trouble s’avère impossible ou disproportionnée, les tribunaux peuvent ordonner une indemnisation financière. Cette réparation par équivalent intervient également en complément des mesures de cessation pour compenser le préjudice subi avant le jugement.

L’évaluation du préjudice lié à une atteinte au droit de jouissance s’appuie sur plusieurs critères :

  • La dépréciation vénale du bien immobilier
  • Le préjudice de jouissance temporaire (perte d’usage)
  • Le préjudice moral lié à l’anxiété et aux tensions de voisinage
  • Les frais engagés pour tenter de remédier au trouble

La Cour d’appel de Montpellier, dans un arrêt du 3 décembre 2019, a ainsi accordé 15 000 euros de dommages-intérêts à un propriétaire dont la terrasse était partiellement privée de soleil par une pergola voisine, en se fondant sur une expertise immobilière chiffrant la dépréciation de la valeur locative et vénale du bien.

La jurisprudence admet également la réparation du préjudice moral, particulièrement lorsque le trouble s’est prolongé malgré les démarches amiables. La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 21 mai 2018, a alloué 3 000 euros au titre du préjudice moral subi par des propriétaires contraints de vivre plusieurs années dans une maison assombrie par la pergola de leurs voisins qui avaient ignoré leurs réclamations.

Les mesures préventives et l’action en référé

Face à un projet d’installation susceptible de porter atteinte au droit de jouissance, les voisins peuvent agir préventivement. La procédure de référé, prévue par les articles 834 et suivants du Code de procédure civile, offre un moyen d’action rapide pour obtenir la suspension des travaux dans l’attente d’une décision au fond.

Le succès d’une telle action préventive suppose de démontrer :

  • Un risque sérieux d’atteinte au droit de jouissance
  • L’imminence du trouble
  • L’absence de contestation sérieuse sur le principe même de cette atteinte

La Cour d’appel de Versailles, dans une ordonnance de référé du 7 mars 2019, a ainsi ordonné la suspension des travaux d’installation d’une pergola bioclimatique sur la base d’une expertise préventive démontrant qu’elle priverait le voisin de 60% de l’ensoleillement de son jardin.

Cette voie procédurale présente l’avantage considérable d’intervenir avant que le dommage ne soit consommé, évitant ainsi les coûts et désagréments liés à une démolition ultérieure. Elle s’inscrit dans une tendance jurisprudentielle favorable à la prévention des troubles, conformément au principe de précaution qui irrigue progressivement l’ensemble du droit civil.

Stratégies juridiques et solutions pratiques pour concilier les droits en présence

Au-delà du contentieux, l’analyse jurisprudentielle permet d’identifier des stratégies préventives et des solutions techniques pour concilier l’installation de pergolas avec le respect du droit de jouissance des voisins. Ces approches pragmatiques gagnent en importance face à la multiplication des installations et des litiges.

La conception adaptative des pergolas

Les innovations technologiques offrent aujourd’hui des solutions permettant de réduire considérablement l’impact des pergolas sur le voisinage. Les pergolas bioclimatiques à lames orientables, dont la position peut être ajustée en fonction de l’ensoleillement, constituent une réponse technique à la problématique de l’ombrage excessif.

La Cour d’appel de Lyon, dans un arrêt du 14 janvier 2020, a validé un accord transactionnel prévoyant le remplacement d’une pergola fixe par un modèle à lames orientables programmables, permettant le passage des rayons solaires vers la propriété voisine durant certaines plages horaires définies conjointement.

D’autres solutions techniques peuvent être envisagées :

  • L’utilisation de matériaux translucides ou perméables à la lumière
  • L’implantation étudiée pour minimiser l’impact sur les propriétés adjacentes
  • Le recours à des structures modulables selon les saisons
  • L’intégration de dispositifs réfléchissants pour rediriger la lumière

Ces approches adaptatives, parfois suggérées par les experts judiciaires eux-mêmes, s’inscrivent dans une logique de proportionnalité visant à préserver l’usage légitime de la pergola tout en minimisant ses effets négatifs sur le voisinage.

Les démarches préventives et la concertation

La jurisprudence valorise de plus en plus les démarches préventives et concertées. Plusieurs décisions récentes ont pris en compte l’attitude des parties avant l’installation dans l’appréciation du trouble et de sa réparation.

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans un arrêt du 17 novembre 2020, a ainsi refusé d’ordonner la démolition d’une pergola dont l’implantation avait fait l’objet d’une concertation préalable avec les voisins, matérialisée par un échange de courriers. La cour a considéré que cette démarche témoignait de la bonne foi du propriétaire et de sa volonté de minimiser l’impact de son installation.

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Parmi les démarches préventives recommandées figurent :

  • La réalisation d’une étude d’ensoleillement préalable
  • La consultation formelle des voisins potentiellement affectés
  • L’organisation d’une médiation préventive en cas de réticences
  • La documentation photographique de l’état initial des lieux

Ces pratiques, au-delà de leur valeur probatoire en cas de litige ultérieur, contribuent à désamorcer les tensions et à identifier en amont les ajustements nécessaires. La médiation, encouragée par les tribunaux, permet souvent d’aboutir à des solutions sur-mesure tenant compte des spécificités de chaque situation.

L’encadrement contractuel des risques

Face aux incertitudes jurisprudentielles, la pratique contractuelle offre des outils pour sécuriser l’installation de pergolas tout en préservant les relations de voisinage. Ces mécanismes conventionnels permettent de formaliser les accords et d’anticiper les éventuels différends.

La servitude conventionnelle, prévue par l’article 686 du Code civil, permet ainsi de créer par contrat un droit d’ombre ou d’appui au profit du propriétaire de la pergola. La Cour de cassation, dans un arrêt du 30 juin 2016 (n°15-15.915), a confirmé la validité d’une telle servitude négociée entre voisins pour régulariser l’installation d’une pergola partiellement implantée en limite de propriété.

D’autres instruments juridiques peuvent être mobilisés :

  • Le protocole d’accord transactionnel fixant les conditions d’implantation et d’usage
  • La convention de mitoyenneté pour les pergolas en limite séparative
  • L’engagement unilatéral de modification en cas de trouble avéré
  • La clause compromissoire prévoyant le recours à un expert en cas de différend

Ces mécanismes contractuels, souvent élaborés avec l’assistance de notaires ou d’avocats spécialisés, offrent une sécurité juridique supérieure aux simples accords verbaux. Ils constituent un complément utile aux autorisations administratives, dont la jurisprudence a montré qu’elles ne suffisaient pas à prémunir contre les recours fondés sur la théorie des troubles anormaux de voisinage.

L’intérêt de ces approches contractuelles a été souligné par la Cour d’appel de Bordeaux dans un arrêt du 12 mars 2020, où les juges ont donné plein effet à un accord de voisinage autorisant l’installation d’une pergola sous réserve de limitations horaires d’utilisation et d’un engagement d’entretien régulier de la végétation grimpante destinée à en atténuer l’impact visuel.

Évolutions récentes et perspectives du contentieux des pergolas

Le contentieux lié aux pergolas connaît des évolutions significatives, tant dans son volume que dans sa nature. L’analyse des tendances jurisprudentielles récentes permet d’anticiper les développements futurs de cette branche spécifique du droit du voisinage.

L’impact des nouvelles technologies et des préoccupations environnementales

L’émergence des pergolas connectées et des systèmes domotiques influence progressivement la jurisprudence. La Cour d’appel de Grenoble, dans un arrêt novateur du 9 février 2021, a intégré dans son raisonnement la possibilité de programmation automatique d’une pergola bioclimatique, ordonnant la mise en place d’un système permettant l’ouverture automatique des lames durant certaines heures pour préserver l’ensoleillement du voisin.

Parallèlement, les préoccupations environnementales pèsent de plus en plus dans la balance des intérêts. La Cour d’appel de Rennes, dans un arrêt du 23 mars 2021, a refusé d’ordonner la démolition d’une pergola supportant des panneaux photovoltaïques, malgré une légère atteinte à l’ensoleillement du voisin. Les juges ont explicitement mentionné l’intérêt général attaché à la production d’énergie renouvelable comme facteur d’atténuation du caractère anormal du trouble.

Cette tendance s’inscrit dans un mouvement plus large de prise en compte des objectifs de développement durable dans l’appréciation des troubles de voisinage. La production d’énergie solaire, l’adaptation au changement climatique ou encore la création d’îlots de fraîcheur urbains deviennent des arguments recevables dans la pesée des intérêts contradictoires.

Néanmoins, la Cour de cassation maintient une approche équilibrée, rappelant dans un arrêt du 17 septembre 2020 (n°19-20.311) que « l’intérêt écologique d’une installation ne saurait à lui seul faire obstacle à la reconnaissance d’un trouble anormal de voisinage lorsque celui-ci est caractérisé par son intensité exceptionnelle ».

Vers une standardisation des critères d’appréciation ?

Face à la multiplication des contentieux, une tendance à la standardisation des critères d’appréciation se dessine progressivement. Plusieurs cours d’appel ont adopté des grilles d’analyse systématiques pour évaluer le caractère anormal des troubles causés par les pergolas.

La Cour d’appel de Paris a ainsi développé, à travers plusieurs arrêts rendus en 2021, une méthodologie d’évaluation reposant sur des seuils quantitatifs :

  • Une perte d’ensoleillement supérieure à 30% sur plus de quatre heures par jour est présumée constituer un trouble anormal
  • Une dépréciation immobilière expertisée supérieure à 5% de la valeur du bien est considérée comme significative
  • Une visibilité de la pergola depuis plus de 50% des ouvertures principales d’une habitation voisine constitue un indice de trouble visuel

Cette approche, qui n’est pas exempte de critiques, vise à renforcer la prévisibilité des décisions judiciaires et à faciliter les règlements amiables. Elle s’accompagne d’un recours croissant à des expertises techniques standardisées, utilisant des logiciels de simulation d’ensoleillement et des méthodes d’évaluation immobilière normalisées.

Toutefois, la Cour de cassation continue de rappeler, comme dans son arrêt du 5 novembre 2020 (n°19-22.508), que « l’appréciation du caractère anormal d’un trouble de voisinage relève du pouvoir souverain des juges du fond et doit s’effectuer in concreto, en tenant compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce ». Cette position maintient une marge d’appréciation nécessaire à l’adaptation du droit aux spécificités de chaque situation.

Les perspectives d’évolution législative

Le développement du contentieux des pergolas s’inscrit dans un contexte plus large de réflexion sur l’encadrement législatif des troubles de voisinage. Plusieurs propositions visent à codifier la théorie prétorienne pour lui donner une assise légale plus solide.

Le projet de réforme de la responsabilité civile, présenté en mars 2017 par la Chancellerie, prévoyait d’introduire dans le Code civil un article spécifiquement consacré aux troubles anormaux de voisinage. Bien que non abouti à ce jour, ce projet témoigne d’une volonté de consolidation législative qui pourrait influencer le traitement futur des litiges liés aux pergolas.

Parallèlement, certaines collectivités locales ont entrepris d’intégrer dans leurs documents d’urbanisme des dispositions spécifiques relatives aux pergolas, allant au-delà des simples règles de hauteur et d’emprise. Des Plans Locaux d’Urbanisme récemment adoptés comportent ainsi des prescriptions relatives à la transparence des matériaux ou à l’orientation des structures pour préserver l’ensoleillement des parcelles voisines.

Ces initiatives locales, dont la Cour administrative d’appel de Marseille a confirmé la légalité dans un arrêt du 18 décembre 2020, pourraient préfigurer une évolution plus générale de la réglementation urbanistique vers une meilleure prise en compte des impacts microclimatiques des constructions.

L’avenir du contentieux des pergolas se dessine ainsi à la croisée du droit civil et du droit de l’urbanisme, dans un contexte où les enjeux environnementaux et la densification urbaine rendent plus aigus les conflits d’usage de l’espace et des ressources naturelles comme la lumière solaire.